Un sixième de parc nature et des condos!

Dans un texte publié sur Facebook et faisant suite à une entrevue accordée au 15-18 d’Ici Première (Radio-Canada), la mairesse de Chambly Alexandra Labbé utilise de jolies tournures (« un milieu de vie bien intégré ») et des mots à la mode (« alternatives réalistes, créatives et innovantes ») pour désigner l’avenir de ce qui reste de l’ancien Golf de Chambly. Elle ne désigne toutefois jamais par son nom l’éléphant dans la pièce : « condos ».

Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Quand elle parle de « faire preuve d’ouverture et collaborer avec le propriétaire du terrain », pour nous « assurer de diminuer l’impact sur les finances municipales », elle propose précisément le programme de Marcel Bouchard, un des candidats qu’elle affrontait lors de l’élection partielle de 2019, et qui parlait ainsi :

« Moi, ce que je proposais, c’est de négocier une partie de cessation (sic) du terrain. Le promoteur a déjà démontré de l’intérêt, il est déjà prêt à donner jusqu’à 30 pour cent. Je dis on essaie de négocier, 40, 50 pour cent, puis suite à ça on fait une consultation avec les citoyens pour voir quel type de parc qu’on fait. »

M. Bouchard risque d’accuser la mairesse de lui avoir volé son programme électoral. Dans l’entrevue donnée à Radio-Canada, la mairesse dit ceci (à 4:25) :

« Ben en fait mon engagement c’est de m’assurer effectivement qu’on va répondre aux besoins de la population et de s’assurer qu’on va préserver un maximum de l’espace vert résiduel donc vraiment de faire un exercice où on va aller tirer le maximum du site… Je veux qu’on prenne le temps de bien réfléchir et qu’on le fasse en collaboration avec le propriétaire du terrain mais aussi avec les citoyens puis qu’on prenne le temps de se poser ces questions-là.

Il faut évidemment lire entre les lignes, mais clairement la mairesse propose d’accepter du développement (il existe déjà un projet pour 570 « portes ») en échange de la préservation d’une partie de ce qui reste, et qui ne représente déjà plus que la moitié de l’ancien Golf de Chambly. Marcel Bouchard mentionnait une fourchette entre 30% et 50%.

Ne nous y trompons pas, quand un politicien fait une telle suggestion, il est assuré que la solution retenue sera, au mieux, au minimum de la fourchette et plus probablement même en-dessous. D’autant plus que la mairesse n’a pas jusqu’ici montré de grand talent pour la négociation (voir notamment le cas du dédommagement du promoteur de l’incinérateur pour animaux, où elle a annoncé à l’avance, par journal, que la Ville devrait indemniser le promoteur).

On en a toujours pour son argent – et on veut que ça ne coûte presque rien

Plus étonnant, voire stupéfiant, la mairesse, au détour d’une phrase, nous dit que ce projet doit se réaliser « sans endettement supplémentaire ». On croit entendre l’ex-maire Denis Lavoie se targuer, au sujet de l’éventuel Pôle culturel, que les citoyens de Chambly ne verraient « pas d’impact sur leur compte de taxe », car « le projet est payé comptant ». (Le maire s’assurait de surplus budgétaires en sous-estimant systématiquement – et délibérément – les revenus de la Ville.)

Des projets d’infrastructures significatifs, que ce soit le Pôle culturel ou un espace vert, devraient toujours être financés par emprunt, afin que le coût soit réparti entre toutes les générations de citoyens qui en profiteront à l’avenir. C’est un principe universel que Mme Labbé comprenait bien lors de sa campagne de 2019, affirmant lors d’un autre débat (organisé par la Chambre de commerce et d’industrie du Bassin de Chambly) que « Le Mont-Royal a coûté cinq années de taxes foncières à Montréal et aujourd’hui personne ne regrette cet achat. » Deux ans plus tard, la mairesse voudrait plutôt que ce projet essentiel pour Chambly ne coûte pratiquement rien.

Évidemment, personne ne demande que Chambly investisse cinq années de taxes foncières. En fait, le coût d’acquisition du terrain pourrait être réduit considérablement si le gouvernement du Québec revoyait, comme lui demandent plusieurs Villes, la loi sur l’expropriation. Mais Chambly ne fait pas partie des Villes qui appuient cette demande. Pourquoi?

Être capable de faire preuve d’ambition

À Montréal, la mairesse Valérie Plante a fait preuve de vision en annonçant la création du plus grand parc municipal du Canada, représentant 8,2% de la superficie de la ville. Ici, ce qu’on souhaite, c’est un parc qui ne représenterait que 0,92% de la superficie de Chambly. N’est-ce pas raisonnable? Faudrait-il se contenter d’encore moins que cela?

Ce parc est essentiel pour notre avenir. Les changements climatiques sont en train de bouleverser notre planète et les espaces verts sont un des principaux moyens pour les combattre. De plus, il faut savoir que les infrastructures vertes sont des investissements qui rapportent. On voit encore l’urgence cette semaine avec les manchettes sur le rapport du GIEC en prévision du prochain sommet sur le climat, sans compter les actualités terrifiantes sur les incendies dans l’ouest canadien ainsi qu’en Grèce et en Turquie, notamment.

Ajouter des centaines de logements sans impact sur la circulation?

Il n’y a pas non plus que cela. Tout le monde connaît les problèmes de circulation de la rue Daigneault. Croyons-nous que l’ajout de plusieurs centaines de logements dans ce secteur améliorera la situation? La mairesse semble croire que les conclusions de l’étude de circulation en cours apporteront des solutions miracles qui pourront même absorber un développement supplémentaire massif dans ce même secteur. On peut saluer le fait que la mairesse parle avec optimisme du transport collectif (et du réseau cyclable), mais croire qu’une meilleure offre dans ce domaine puisse compenser l’ajout de centaines de véhicules dans le quartier relève de la même vision utopique.

Le terrain de l’ancien golf de Chambly, ou plus précisément de la moitié non développée qu’il en reste, est la dernière chance pour la ville d’avoir un véritable espace vert urbain. On ne peut pas « créer » d’espace vert, on ne peut pas démolir des maisons et installer des espaces verts à la place. C’est notre devoir de saisir cette dernière chance et de dire clairement à nos élus municipaux que c’est ce que nous attendons d’eux.

Y a-t-il quelque chose qui serait réellement mieux qu’un parc nature? Oui : un parc écologique*, certainement.

Mouvement citoyen de Chambly (MCC)

Cet article a été rédigé avec l’aide du mouvement Dernier espace vert de Chambly (DEVC).

* Parc écologique et parc nature sont tous deux des infrastructures vertes ayant pour vocation principale la protection de la biodiversité et le récréatif. Là où ils se distinguent c’est dans le poids relatif de chacune des vocations.

Un parc écologique a en effet comme vocation principale la protection de la biodiversité avec un volet récréatif restreint afin de maximiser les bienfaits et services écologiques rendus. Un parc nature accorde généralement plus de place au volet récréatif et, en conséquence, requiert plus d’investissement sur les aménagements.

Dans le combat contre le réchauffement climatique, un parc écologique sera donc plus performant et moins coûteux. De plus, tout en assurant une protection efficace de la biodiversité, il offre aussi une vocation éducative et de sensibilisation qui est tout aussi prioritaire.

Diagrammes

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