Les six étages de Monsieur Bouchard…

Pendant le débat des candidats à la mairie organisé par la Chambre de commerce et d’industrie du Bassin de Chambly, le candidat indépendant Marcel Bouchard a affirmé, en parlant du terrain de l’ancien golf, que « (…) on va être rendu à 24 portes à l’hectare. On va être rendu à faire un bâtiment de cinq-six étages à 100% du terrain et des stationnements souterrains. Même les gens du secteur ne seront pas contents. ». Il disait cela en évoquant la possibilité que les avocats de Trigone poursuivent la Ville de Chambly pour la forcer à autoriser le développement de l’ancien golf.

Qu’en est-il vraiment?

Les objectifs de densification sont imposés d’après le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD), adopté en 2011 par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), un regroupement de 82 villes et municipalités où la Ville de Montréal dispose de la majorité absolue des voix.

Signalons tout de suite que ces objectifs ne touchent que les nouveaux projets domiciliaires. Toutes les habitations existantes sont totalement exclues de ces calculs.

Ces objectifs se présentent ainsi :

Projets domiciliaires réalisés entre les années / Objectif en L/ha (logements par hectare)

2011-2016 : 18

2017-2021 : 20

2022-2026 : 22

2027-2031 : 24

Il y a des exceptions : les TOD (Transit-Oriented Development) sont des zones à proximité des stations de transport en commun (actuelles ou projetées). Ces TOD ont des objectifs de densification beaucoup plus élevés : 30 L/ha.

Le CMM contient 14 Municipalités régionales de comté (MRC), et chacune a le mandat de faire respecter ces objectifs sur l’ensemble de son territoire. Toutefois, les MRC ne sont tenues que de respecter l’objectif globalement, donc si une municipalité dépasse l’objectif, d’autres municipalités pourront se contenter de moins.

La M.R.C. de la Vallée-du-Richelieu, à laquelle appartient Chambly, plutôt que d’utiliser ces objectifs progressifs, a choisi d’utiliser la moyenne, soit 21 logements par hectare, et en faire son objectif pour toute la durée du plan, soit de 2011 à 2031.

À Chambly, au 24 mars 2017, la moyenne des projets réalisés donnait 27,5 L/ha, soit bien au-delà des cibles recommandées. (Et dans le cas de Chambly, pour le moment, la présence de TOD n’a aucun impact mesurable sur cette moyenne.)

Trois conclusions :

1. Chambly est déjà en haut de la liste pour la densification (aucune autre municipalité dans notre MRC n’a un tel niveau de densification à l’extérieur des zones TOD), donc ne risque pas de se retrouver dans une situation de rattrapage catastrophique, comme celui évoqué par M. Bouchard.

2. Le chiffre de 24 logements par hectare mentionné par M. Bouchard provient effectivement du PMAD (pour la période 2027 à 2031), mais ce n’est pas celui que la MRC de la Vallée-du-Richelieu impose aux municipalités sous sa juridiction, qui est plutôt de 21. Le fait d’attendre (ou d’être obligé, dans quelques années, de construire suite à une décision judiciaire) ne changerait donc pas les objectifs de densification pour Chambly.

3. Et même si le scénario catastrophique annoncé se produisait (ce qui, comme nous l’avons vu, est impossible), on voit qu’une densité de 24 L/ha ne nécessite pas d’immeubles à six étages ou de stationnements souterrains, puisque les projets réalisés à Chambly depuis 2011 dépassent déjà cet objectif par plus de 14 pour cent! Aux dernières nouvelles, il n’y avait toujours aucun immeuble domiciliaire (ou autre, d’ailleurs) de six étages à Chambly.

Signalons finalement que la Cour suprême du Canada a déterminé qu’une municipalité ne peut être tenue responsable si elle a agi de bonne foi ou si l’exercice de son pouvoir réglementaire ne peut être qualifié d’irrationnel. Or, le zonage de ce qui reste de l’ancien golf est de type « récréatif », donc la Ville n’a rien à faire pour empêcher le développement d’habitations sur ce terrain. Il est difficile de croire que « ne pas changer le zonage » d’un terrain constitue une action de mauvaise foi ou irrationnelle. De plus, la Cour suprême a aussi reconnu que la protection de l’environnement était un objectif légitime pour un conseil municipal.

Article publié sur Facebook le 9 juin 2019.

Photo © Dernier espace vert de Chambly