Qu’a dit Alexandra Labbé, mairesse de Chambly au sujet du golf, lors de ses campagnes électorales en 2019 et 2021 ? Nous avons fouillé pour vous.

Élection de 2019

Mme Labbé est devenue mairesse le 23 juin 2019, à la faveur d’une élection partielle, faisant suite à la démission de l’ancien maire Denis Lavoie.

Feuillet

Mme Labbé se présentait alors sous les couleurs du parti Démocratie Chambly et son feuillet parlait d’environnement et du golf. Sous la rubrique « Ville environnementale », on lit :

* Protection des espaces verts, ancien golf et boisé Fonrouge

Extrait du programme électoral de Démocratie Chambly lors de l’élection partielle de 2019.

Débats

Mme Labbé avait participé à deux débats, avec ses opposants. Dans le débat organisé par le Journal de Chambly, elle s’était opposée à ses adversaires, qui voulaient tous deux autoriser du développement domiciliaire sur le site de l’ancien golf. Elle avait notamment dit, en parlant des registres signés par 2 451 citoyens de Chambly : « La valeur estimée par certains est basée sur un changement de zonage qui a été refusé par les citoyens. (…) Tous les citoyens avaient le droit d’aller signer les registres et ils l’ont fait. Ils ont dit non. Le message est clair. » Quelques minutes plus tard, elle ajoutait « Voilà ! Il y a moyen de s’assumer et d’avoir le courage de protéger cet espace-là pour les générations futures. »

L’autre débat, organisé par la Chambre de commerce et d’industrie du Bassin de Chambly (CCIBC, aujourd’hui intégrée à la Chambre de commerce et d’industrie de la Vallée du Richelieu), n’avait pas fait l’objet d’une captation vidéo ou sonore, mais le Journal de Chambly avait rapporté ces paroles : « Une densification à outrance, ça fait qu’à long terme, les gens s’en vont. Le mont Royal a coûté cinq années de taxes foncières à Montréal. Aujourd’hui, personne ne regrette cet achat. »

Élection de 2021

Feuillet

Le feuillet électoral de Mme Labbé pour sa campagne de 2021, ne mentionne le golf à aucun endroit. Sous le volet « pour répondre à l’urgence climatique », le plus près que Mme Labbé passe de parler du golf est dans la phrase suivante :

« Protéger et rendre accessibles nos milieux naturels, et investir dans les infrastructures vertes à la grandeur du territoire. »

Extrait du programme électoral d’Alexandra Labbé lors de l’élection de 2021.

Pour quelqu’un qui est prête à construire 500 logements sur ce terrain, cette omission a de quoi rendre dubitatif.

Débat

En 2021, il y a eu un seul débat, organisé par la CCIBC. Les questions avaient été soumises aux candidates à l’avance, et celles-ci lisaient leurs réponses préparées. Sur le golf, après avoir parlé des difficultés de Trigone qui faisaient l’actualité à l’époque, Mme Labbé a enchaîné sur l’avenir de la partie restante du golf.

« En fait, c’est le prochain conseil qui va devoir se pencher sur la suite des choses pour le terrain restant, mais je tiens surtout à souligner qu’il y a plusieurs enjeux qui persistent dans ce secteur et qu’il faudra arriver avec un plan solide de financement pour l’acquisition de ce précieux espace… et son aménagement. Parce que c’est sûr que la nature reprend ses droits, mais elle a besoin d’un coup de main, pour lutter contre les espèces envahissantes, faut reboiser, ça prend des sous.

« Les coûts de cet ambitieux projet sont équivalents aux investissements prévus chaque année sur l’ensemble du territoire de Chambly, mais c’est un beau défi que je suis prête à relever.

« Prioritairement, il va falloir régler le problème majeur de circulation sur l’intersection Périgny et Daigneault. Et ce serait complètement irréaliste dans ce contexte-là de promettre de protéger 100% de l’espace restant. Parce que ces infrastructures routières-là, faut les aménager quelque part.

« Je persiste par exemple à croire que nous sommes toujours en mesure de maintenir le plan qui a été présenté aux citoyens en 2011, celui qui promettait un neuf trous de golf au centre du projet. En proposant plutôt la conservation, le reboisement et l’aménagement de cet espace naturel pour répondre aux besoins de la population. Je suis convaincue que je suis en mesure de trouver les subventions et le financement nécessaires pour réaliser cet important projet pour qu’il ait le moins d’impact possible sur vos comptes de taxes. Il suffit de bien planifier. »

Difficile de trouver dans ces 255 mots la moindre allusion à un développement domiciliaire de 500 logements. Toutefois, plusieurs des personnes présentes ont dû se demander quel était exactement ce plan de 2011 et pourquoi la mairesse suggérait de le « maintenir ». Plus personne ne parlait de golf neuf trous à l’époque. Mme Labbé reprendra l’intégralité de ce texte sur sa page Facebook, remplaçant seulement la mention de « neuf trous » par le terme « important espace récréatif », mais peu de gens avaient saisi de quoi elle voulait parler.

Le Mouvement citoyen de Chambly avait à l’époque publié une explication de ce « plan de 2011 », signalant qu’il comportait environ 90 logements. Mais dans le débat, Mme Labbé n’avait parlé que du neuf trous (ou, sur Facebook, de l’« important espace récréatif ») sans mentionner les 90 logements. Elle savait forcément que la très grande majorité des citoyens n’avaient aucune idée de ce que contenait ce plan datant déjà de 10 ans.

Journal de Montréal

Dans le Journal de Montréal du samedi 6 novembre 2021, soit la veille de l’élection, un article est intitulé « Un terrain de golf divise à Chambly ». On y voit les deux candidates à la mairie prises en photo ensemble, devant la mairie. Mme Labbé a là l’occasion idéale de préciser ses plans pour ce grand terrain.

Pourtant, tout ce que Mme Labbé indique, c’est la nécessité de construire une route, pour régler les problèmes de circulation du secteur. Cette route, pas nécessairement indispensable (un feu de circulation au coin de Daigneault et de Périgny ferait l’affaire) ne prendrait qu’environ 3% de la superficie du terrain (voir ici une explication plus détaillée). On est loin de 30%.

Voici les deux paragraphes de l’article qui contiennent les explications de la mairesse :

« La position d’Alexandra Labbé, mairesse sortante de Chambly, est toutefois différente. Selon elle, au moins une route doit être construite sur une partie du terrain de golf pour diminuer le trafic dans le secteur. »

« Oui, on veut préserver le maximum du terrain vert. Mais ça prend des aménagements routiers et tout le monde est d’accord. Il en faut pour régler notre problème de circulation. C’est impossible de convertir le golf à 100 % en site écologique. »

À noter que plusieurs des candidats indépendants de l’équipe Labbé (ici, par exemple) ont reproduit cet article (une photo de la version papier, considérant que le lien fourni ci-dessus mène à une série d’articles dont celui sur Chambly n’est que l’avant-dernier).

Entrevue à Ici Radio-Canada

Moins de deux mois avant le début de la campagne électorale, Mme Labbé avait accordé une entrevue à la Première chaîne de Radio-Canada, au 15-18 (cliquer sur le lien « Avenir des terrains de golf dans le Grand Montréal »). À 4:25 du clip, la mairesse dit ceci :

« Ben en fait mon engagement c’est de m’assurer effectivement qu’on va répondre aux besoins de la population et de s’assurer qu’on va préserver un maximum de l’espace vert résiduel donc vraiment de faire un exercice où on va aller tirer le maximum du site… Je veux qu’on prenne le temps de bien réfléchir et qu’on le fasse en collaboration avec le propriétaire du terrain mais aussi avec les citoyens puis qu’on prenne le temps de se poser ces questions-là. »

Au bout du compte, la mairesse semble avoir oublié l’aspect « avec les citoyens », imposant un projet de 500 logements sur 30% de la superficie du parc, où les citoyens ne sont consultés que sur la disposition des logements sur le site, pas leur nombre ni l’étendue de la superficie du terrain qui leur sera sacrifiée.

Facebook

La mairesse a suivi cette entrevue d’une publication sur Facebook, où elle semble parler en énigmes (« l’ensemble des besoins réels des citoyens », « un effort de vision et du courage politique afin de proposer des solutions concrètes à des problèmes criants pour ce secteur », « la latitude de travailler librement sur un zonage et une proposition d’aménagement responsables et concertés », « des alternatives réalistes, créatives et innovantes », « un milieu de vie bien intégré, qui nous ressemble et qui nous offre des solutions concrètes, durables et responsables ».

Nous notons ces mots : « en respectant la capacité de payer de la municipalité, sans endettement supplémentaire ». Nous sommes loin des « cinq années de taxes foncières » (mentionnées en 2019 en parlant du parc du Mont-Royal) que « personne ne regrette ».

Journal de Chambly

Le Journal de Chambly du 13 octobre 2021 (page 12) publie une longue entrevue avec la mairesse, où elle répond à la question « Que fait-on de l’ancien golf ? ». La réponse, reprise aussi dans un article en ligne daté du 27 octobre 2021 :

« Il faut préserver un maximum de ce magnifique espace vert. Il n’y a plus de débats à avoir là-dessus. Ce qu’il faut arrêter de cacher, c’est que l’on a dans ce secteur d’énormes enjeux de circulation et des enjeux d’aménagement. Je nous souhaite un aménagement qui répondra au besoin (sic) de tous. »

Chambly Matin

Le 13 octobre 2021, Chambly Matin a publié une entrevue avec Alexandra Labbé. Au sujet de l’ancien golf, on lit ceci :

« Ce n’est plus un enjeu électoral puisqu’on est tous d’accord. Il faut le préserver au maximum. Je m’engage à ouvrir la discussion, à être capable d’adresser les enjeux en collaboration avec le propriétaire du terrain. » Alexandra Labbé

« La mairesse tient à rappeler que la Ville de Chambly n’est pas propriétaire du terrain et que le secteur a un énorme enjeu de circulation et d’aménagements. »

Facebook

Nous n’avons pas épluché toutes les publications Facebook de la mairesse pendant la campagne électorale, nous concentrant sur une publication parue la veille de l’élection et qui a été partagée par plusieurs des membres de son équipe d’indépendants. La publication inclut un scan de la version papier de l’article du Journal de Montréal publié le même jour.

Dans son propre texte, la mairesse écrit notamment :

« Le ministère des Transports du Québec a refusé au moins à trois reprises les représentations pour l’ajout d’un feu de circulation sur l’intersection du Boulevard de Périgny et Daigneault. L’ajout d’un aménagement routier est, dans ce contexte, inévitable.

« Les aménagements à prévoir ne sont pas que routiers, ce secteur nécessite des aménagements qui répondront aux besoins des citoyens qui ont choisi d’y vivre. Pour être un administrateur responsable il faut avoir l’ouverture suffisante dans nos scénarios d’aménagement pour répondre à ces besoins. »

On sait maintenant que l’information au sujet du Ministère des Transports du Québec est incorrecte (le ministère ne refuse pas nécessairement l’installation d’un feu de circulation à l’intersection de Périgny et Daigneault), mais il est possible que la mairesse l’ignorait à cette époque.

Conclusion

À aucun moment, avant l’élection du 7 novembre 2021, la mairesse n’a-t-elle parlé de logements (ou de résidences, de condos, de construction – sauf d’une route – , de développement, etc.) ni d’une sauvegarde du golf qui ne protègerait que 70% de celui-ci (plus précisément 70% des 50% qui en restent).

Par contre, dans cette revue de presse incomplète, le mot « aménagement » (singulier ou pluriel) revient à 11 reprises. Avec le recul, on croit deviner qu’il s’agissait d’un code ou euphémisme pour « logements ». Les citoyens de Chambly méritent une vision exprimée de façon beaucoup plus claire.

Faut-il alors s’étonner de la réponse de la mairesse à un citoyen qui lui demandait (à l’assemblée du conseil municipal du 2 juillet 2024) si elle considérait avoir un mandat pour autoriser la construction de 500 logements ? Sa réponse : « Ben… Je sais pas de qui vous voulez que je détienne un mandat, là. »