
Alexandra Labbé a induit les citoyens de Chambly en erreur. Elle l’a elle-même admis :
« Au moment où moi j’ai dit que je pensais qu’il y aurait l’exercice référendaire, de ma connaissance, de ce que j’avais vu des autres exercices réglementaires, il y en a toujours eu ! Fait que, dans ma tête, puis ce que j’avais compris de l’exercice qu’on a amorcé, il y en aurait un. J’ai été surprise d’apprendre que ce qu’on proposait ne pouvait pas ouvrir la possibilité à un référendum. » (Assemblée du conseil municipal, 26 août 2025.)
Donc, si elle a affirmé, à trois occasions différentes (janvier, octobre et novembre 2024, voir ce texte), que oui, il y aurait possibilité d’approbation référendaire (alerte divulgâcheur : il n’y en a pas eu), c’est parce qu’elle en était convaincue. Dommage, si elle avait parlé à ses fonctionnaires, ils lui auraient sûrement dit d’être prudente à ce sujet.
Mais peut-on même croire sur parole son explication ? C’est assez difficile, parce que dans cette explication, elle dit bien qu’elle pensait qu’il y aurait « l’exercice référendaire ». Pourtant, le 4 février 2025, en réponse au même citoyen, qui lui reprochait d’avoir dit oui quand il lui avait demandé (en novembre 2024) s’il pourrait y avoir référendum, elle disait plutôt qu’elle n’avait « pas pu vous répondre par l’affirmative ou la négative parce qu’on n’avait pas vérifié à ce moment-là, je n’avais aucune idée des règlements qu’on allait adopter, on les avait pas encore déposés. » Elle avait même intimé au citoyen, d’un ton ressemblant à une menace : « je vous le rappelle encore là, faites très attention avec les intentions que vous me prêtez. »
Alors, est-ce qu’elle pensait qu’il y en aurait, au point de l’annoncer, ou est-ce qu’elle n’en avait aucune idée ?
Il existe une troisième option : elle savait très bien qu’il n’y en aurait pas. Les documents publiés par la Ville lors de la « présentation aux citoyens » (10 octobre 2024) contenaient, à quatre endroits différents, une information permettant de conclure qu’il ne pourrait pas y avoir de référendum. C’est ce que le citoyen venait de lui signaler, en préambule de sa question, quand elle a donné la réponse qui apparaît au début de ce texte.
S’ils l’ont écrit, c’est qu’ils le savaient, non ?
Rappelons que la Ville a pu éviter le référendum parce qu’elle a fait le choix de modifier son plan d’urbanisme pour changer le zonage du site du golf. Les changements aux règlements de zonage qui s’ensuivent sont alors considérés comme des « règlements de concordance » et sont exemptés de l’exigence d’approbation référendaire.
La mairesse ou les fonctionnaires de la Ville savaient-ils, au moment de la « présentation aux citoyens » qu’il y aurait changement au plan d’urbanisme ? Déjà, par leurs connaissances des règlements, ils auraient dû s’en douter. Mais, de manière beaucoup plus explicite, cela était déjà écrit noir sur blanc dans les documents qu’ils ont publiés ce jour-là !
Parmi les documents publiés par la Ville, ce 10 octobre 2024, se trouvait, tout d’abord, le diagramme suivant :

On voit, avec les encadrés bleus, que dès le 10 octobre, on prévoyait des modifications du plan d’urbanisme. Ce diagramme apparaissait à la troisième page d’un document de quatre pages intitulé « Concept d’aménagement préliminaire – Un quartier intégré au parc »
Un autre document présenté en même temps, intitulé « Concept d’aménagement préliminaire – Un quartier intégré au parc », contenait les trois diagrammes suivants. Ce document a été curieusement retiré du site Espace Chambly (même si le bouton y est toujours), mais on peut tout de même y avoir accès grâce aux archives de l’internet.

Page 16, ci-dessus, dans l’encadré rouge, on voit, encore plus clairement, que le Plan d’urbanisme (avec un « P » majuscule !) sera modifié.

Page 17, on voit à nouveau qu’il y aura des modifications au Plan d’urbanisme.

À la page 54, qui est largement inspirée du diagramme de la page 16, on a une quatrième confirmation que le Plan d’urbanisme sera modifié.
Comme le citoyen l’a dit, dans sa question :
« Comment est-il possible que ni vous, ni aucun des élus, ni personne à la direction générale, ni personne au greffe, ni personne au service d’urbanisme n’ait remarqué ces quatre mentions de changement au plan d’urbanisme et suggéré qu’il faudrait peut-être que vous cessiez de dire qu’il pourrait y avoir référendum ? »
La mairesse a fourni une longue réponse, où l’on ne trouve aucune trace de regrets, d’excuses ou même d’admission d’erreur. Parmi sa longue tirade :
« La loi sur l’urbanisme (…), c’est complexe » (lien)
« La loi sur l’urbanisme, puis je me souviens qu’à l’époque on en avait discuté, là, la loi sur l’urbanisme, c’est complexe, puis c’est fait de plein d’éléments qui tombent dans des exceptions ou dans des trucs où ne ça s’applique (sic) ça ne s’applique pas… C’est des éléments qui sont, heu, je dirais à un œil non averti, pas nécessairement toujours simples à comprendre. »
La mairesse a fréquemment utilisé l’explication de complexité de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) pour justifier des décisions douteuses, dont celles de rejeter des demandes d’approbation référendaire pour l’incinérateur pour animaux domestiques et la même chose ensuite pour Lumicité (on y reviendra d’ailleurs dans un autre texte). Dans ce dernier cas, la Ville a dû revenir sur sa décision et a été poursuivie pour 20 millions $ par le promoteur, poursuite aujourd’hui abandonnée.
Il est vrai que cette loi est complexe. Mais elle existe depuis suffisamment longtemps que les experts, et même les personnes qui ne le sont pas mais qui y sont suffisamment intéressées, en connaissent les principaux rouages, qui ont été largement vulgarisés.
Dans le cas des référendums, il suffit de googler « Exemptions à l’approbation référendaire », et votre premier résultat (outre l’intelligence artificielle) est cette page du site du Gouvernement du Québec, où on trouve les informations suivantes (nous avons ajouté les encadrés) :

On trouve donc bien dans ces deux paragraphes l’information comme quoi sont exemptés les « règlements qui découlent (…) de la révision (…) de son plan d’urbanisme ». C’est d’ailleurs la première exemption mentionnée sur la page.
Pour ceux qui protesteraient qu’il n’est pas forcément évident de penser à googler ce texte exact (« Exemptions à l’approbation référendaire »), rassurez-vous, vous pouvez également googler « Comment éviter un référendum municipal » et le premier résultat sera le même. L’information n’est pas cachée dans un sous-alinéa de la LAU.
Donc, affirmer que les complexités de la LAU empêchaient tout le monde impliqué dans le projet de savoir s’il y aurait référendum ou non n’est pas vraiment crédible.
« J’ai été surprise » (…) (lien)
« J’ai été surprise d’apprendre que ce qu’on proposait ne pouvait pas ouvrir la possibilité à un référendum. »
Vraiment ?
Si la mairesse a été vraiment surprise, la moindre des choses aurait été de rectifier le tir le plus tôt possible et de publiciser au maximum le fait que les citoyens seraient privés d’un droit qu’on leur avait affirmé par erreur qu’ils auraient.
Au contraire, le jour du vote du conseil, la mairesse n’a pas mentionné cet énorme changement aux attentes des citoyens et ne l’a abordé qu’en fin d’assemblée, quand un de ceux-ci a posé une question sur le déroulement de la signature des registres. Sans cette question, les citoyens seraient rentrés chez eux et auraient activement commencé à préparer leur campagne en vue de l’étape de la signature des registres, qui ne serait jamais venue.
Et quand un (autre) citoyen, lui a reproché de ne pas avoir fait ce rectificatif spontanément, elle a eu l’air complètement désintéressée et a répondu « Non, je ne l’ai pas communiqué d’emblée dans mon mot d’introduction une information que… j’avais communiquée pourtant aux journalistes le matin même. Je vous dirais que, on communique tellement de choses dans une journée… Est-ce que j’ai fait un mauvais choix ? Peut-être que j’aurais dû le communiquer d’emblée, je … »
Sa moue disait tout.

Rappelons qu’Alexandra Labbé s’était fait élire à la mairie en 2019 en promettant de ramener les référendums, auxquels l’ancien maire Denis Lavoie avait mis fin, via un règlement instaurant une Politique de participation publique. À son élection, Mme Labbé avait fait voter l’abolition de ce règlement et avait déclaré, au journal Chambly-Matin :
« Quand le règlement avait été adopté en février, Mario Lambert et moi avions voté contre et je n’ai jamais compris la réaction de mes collègues qui ont voté en faveur de ça. La réponse à travers les citoyens était unanime et tout le monde voulait conserver son droit d’approbation référendaire. »
« (…) si on l’a pas exprimé comme cela vous convenait (…) » (lien)
Le citoyen ayant posé la question au départ a demandé en sous-question, s’il n’aurait pas été plus prudent, lorsqu’elle affirmait qu’il y aurait possibilité d’approbation référendaire, de plutôt dire « peut-être » ou « ça dépend ». La mairesse semble y avoir vu un caprice :
« M. Martel, si on l’a pas exprimé comme cela vous convenait, j’en suis vraiment désolée. Pour nous, c’était clair, on ouvrait ces options-là, puis on les a mis, on les a identifiées. Maintenant, là, je pense que j’ai abondamment répondu à votre question. Abondamment. »
La mairesse conclut donc en affirmant qu’une information fausse était claire. Clairement fausse, peut-être.
Le texte complet de la réponse de la mairesse
Vous trouverez ci-dessous, en complément d’information (et pour éviter que l’on nous accuse de citer la mairesse hors contexte), le texte complet de la réponse de la mairesse. Nous avons aussi ajouté deux notes menant à des informations supplémentaires.
« Parce qu’en fait, je me souviens de toutes ces étapes-là, je me souviens de ce qu’on a mentionné dans les documents puis je me souviens de pourquoi on a su quelques semaines avant que je le dise qu’on n’aurait pas de référendum. La loi sur l’urbanisme, puis je me souviens qu’à l’époque on en avait discuté, là, la loi sur l’urbanisme, c’est complexe, puis c’est fait de plein d’éléments qui tombent dans des exceptions ou dans des trucs où ne ça s’applique (sic) ça ne s’applique pas… C’est des éléments qui sont, heu, je dirais à un œil non averti, pas nécessairement toujours simples à comprendre.
« Je commence, je trouve, à avoir une bonne connaissance des différents mécanismes réglementaires et encore, je suis ni urbaniste, puis même les urbanistes, je pense qu’il y en a pour certains que les éléments réglementaires sont pas toujours si limpides que ça. Pour avoir la réponse dont on a parlé, puis savoir quel exercice réglementaire il allait falloir faire, il fallait avoir le plan. Il fallait avoir le plan concept. Il fallait avoir travaillé avec les citoyens, puis il fallait avoir déterminé ce qu’on voulait faire avec le secteur. C’était donc impossible, au moment où on a produit les documents, où on a mis les éléments de modification réglementaire. Je pense qu’on est resté assez englobants, c’est pour ça qu’on écrivait que c’était des modifications de règlements. »
Citoyen : « Au plan d’urbanisme. Modifications au plan d’urbanisme. Quatre fois. Pas juste les règlements. Je vous l’ai montré, là. »
« Oui, je les ai vus, je vous ai écouté attentivement, respectueusement M. Martel, je vous demande de faire la même chose avec moi. »
Citoyen : « Jusqu’à temps que vous disiez quelque chose qui n’est pas exact. »
« Les choses que je dis sont exactes [Note 1], je suis en train de vous dire qu’on a utilisé des termes pour que tout le monde comprenne qu’il y aurait une modification réglementaire. Maintenant, la modification réglementaire précise dépendait de l’exercice qui a été fait avec une cohorte dont vous faisiez partie. Pis dès le départ, on ne savait pas comment les secteurs allaient se former, à quel endroit il y aurait du développement, à quel endroit il y aurait un parc. [Note 2]
« C’était impossible à ce moment-là de savoir l’ampleur des modifications qu’il faudrait apporter au plan d’urbanisme et aux différents règlements. Donc, on avait mis, de manière très ouverte, très transparente, ces éléments-là en lumière. Au moment où moi j’ai dit que je pensais qu’il y aurait l’exercice référendaire, de ma connaissance, de ce que j’avais vu des autres exercices réglementaires, il y en a toujours eu ! Fait que, dans ma tête, puis ce que j’avais compris de l’exercice qu’on a amorcé, il y en aurait un. J’ai été surprise d’apprendre que ce qu’on proposait ne pouvait pas ouvrir la possibilité à un référendum.
« Maintenant, si vous choisissez de ne pas croire ce que je vous explique, si selon vous c’est inexact, ça vous appartient, là. Moi, je suis pas là pour vous faire changer d’idée là, M. Martel. Moi je suis là pour vous dire ce qui s’est passé, je vous le dis de la manière la plus transparente et la plus claire possible, mais je suis pas là pour vous convaincre. »
Citoyen : « Ma sous-question, mais il n’y a personne qui vous a suggéré, peut-être que vous devriez dire « peut-être » ou « ça dépend » plutôt que de dire « Oui, il a y avoir un référendum ? »
« M. Martel, si on l’a pas exprimé comme cela vous convenait, j’en suis vraiment désolée. Pour nous, c’était clair, on ouvrait ces options-là, puis on les a mis, on les a identifiées. Maintenant, là, je pense que j’ai abondamment répondu à votre question. Abondamment. »
Notes additionnelles :
Note 1 : La mairesse affirme que « Les choses que je dis sont exactes. » Mais elle vient de dire « c’est pour ça qu’on écrivait que c’était des modifications de règlements. » Le citoyen vient de faire la démonstration qu’il était écrit à quatre endroits qu’il y aurait des changements au plan d’urbanisme, pas seulement aux règlements d’urbanisme. S’il n’y avait eu que des changements aux règlements, comme la mairesse vient de le dire, les citoyens auraient pu signer des registres pour demander un référendum.
Note 2 : La mairesse, à ce moment, est en train de dire qu’il était impossible, au 10 octobre 2024, de savoir s’il y aurait une modification au plan d’urbanisme. Dans ce cas,
- Pourquoi avoir écrit à quatre endroits dans les documents publiés qu’il y en aurait ?
- Pourquoi avoir affirmé, près d’un mois plus tard, « Il va l’avoir l’étape référendaire, il va y avoir cette possibilité-là de signer pour bloquer un changement de zonage » ? La mairesse zigzague entre ses deux explications contradictoires : « on ne pouvait pas le savoir » et « je pensais qu’il y en aurait, c’est pour ça que je l’ai dit et j’ai été surprise qu’il n’y en ait pas. »
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