Église Très-Saint-Cœur-de-Marie

La Ville de Chambly a voté récemment pour un changement de zonage du terrain de l’église Très-Saint-Cœur-de-Marie (TSCM), en prévision d’une vente prévue du terrain et de l’église à un promoteur qui souhaite convertir l’immeuble et construire trois triplex sur une partie du stationnement, conservant 20 cases sur les 86 actuelles. Un document décrivant ce projet a été présenté sur le site de la Ville et une consultation publique a eu lieu le jeudi 14 novembre (sauf erreur, sept citoyens y ont assisté).

Des inquiétudes ont été soulevées et nous avons pu nous entretenir avec un des partenaires du groupe voulant acquérir le site, le producteur Jean-Martin Bisson. À noter qu’à la recommandation de la Ville, le promoteur n’était pas présent à la consultation publique. À partir de l’entretien avec M. Bisson, et d’autres entretiens avec les copropriétaires de la clinique Renaissance Santé (située dans l’ancien presbytère et donc voisine immédiate de l’église) ainsi que de notre connaissance du dossier, nous avons tiré quelques questions et réponses.

En quoi consiste le projet ?

Il y a deux éléments bien distincts. D’une part, on construirait trois triplex, donc neuf logements, sur la partie du stationnement du côté de la rue de l’Église. Ces logements aideraient à financer le reste du projet et augmenteraient (légèrement) l’offre de logements dans le quartier. Une partie de l’asphalte du stationnement serait donc remplacé par du gazon.

Extrait de la présentation du projet proposé sur le site de la Ville de Chambly

D’autre part, le bâtiment (l’église) serait conservé intégralement et les travaux nécessaires pour le maintenir en bon état seraient effectués, mais l’intérieur serait transformé en studio de tournage pour des émissions de télévision ou des films.

Le document de la Ville et l’article du Journal de Chambly parlent de plusieurs autres utilisations : organisation de symposiums, troupes de théâtre, de danse, de chant, de musique, salle d’exposition, salle de spectacles. Qu’en est-il ?

Le bâtiment serait incorporé à la zone C-007, qui englobe les deux côtés de l’avenue de Bourgogne, de la rue Willett jusqu’au parc Saint-Louis. Le règlement de zonage autorise différents types de commerce, dont la restauration et l’hébergement. Il autorise aussi la classe d’usages « amusement », ce à quoi correspond le projet du promoteur.

Extrait de la présentation du projet proposé sur le site de la Ville de Chambly

Cette classe d’usages, codée « C-8 », permet toutes sortes d’usages spécifiques (voir le règlement de zonage de la Ville, à partir de la page 84), 28 usages en tout dont, par exemple, « musée », « théâtre » ou même « patinage à roulette ». L’utilisation du site comme studio de tournage entrerait probablement dans l’usage 7119, « Autres activités culturelles ». Ces diverses activités sont donc permises dans cette zone, mais il n’est pas dans les plans des éventuels acheteurs de faire autre chose que du tournage télé et films.

Il n’y aura donc pas de studio d’enregistrement, pas d’expositions, pas de spectacles. D’ailleurs, tous les bancs de l’église seront retirés (il y a peu de scènes de films qui requièrent des bancs d’église), donc les spectateurs devraient rester debout durant toute la durée du spectacle.

En conséquence, il est peu probable que les activités de l’éventuel studio amènent de grandes foules. Dans une bonne année, il y aurait environ 125 journées de tournage, pouvant aller jusqu’à 150 pour les très bonnes années. Cela laisse environ de 215 à 240 jours où le site serait extrêmement calme.

Mais nous allons perdre le stationnement. Où les gens vont-ils se garer ?

Précisons tout de suite que le promoteur a indiqué qu’il n’avait aucune objection à ce que le public utilise les 20 cases de stationnement qui resteront, considérant qu’il en aura rarement besoin de plus de la moitié, et n’en aura presque jamais besoin le soir, la nuit (en particulier en hiver, quand le stationnement sur rue est interdit pour cause de déneigement) ou les fins de semaine. Les journées typiques de tournage, en général, utiliseront entre 15 et 25 cases de stationnement, nous dit-on.

Stationnement actuel

Ajoutons qu’on peut sans doute aussi stationner une trentaine de voitures sur les rues ceinturant le pâté de maisons : Bourgogne, Viens, des Carrières et de l’Église. Cela devrait suffire pour la très grande majorité des jours de l’année.

Il n’y aura plus de messes, plus de mariages, plus de baptêmes, plus de funérailles, plus de premières communions, plus de confirmations, qui représentent une grande proportion des événements qui amenaient une forte occupation du stationnement.

Pendant le Festival Bières & Saveurs, le stationnement est toujours plein à craquer. Où les gens iront-ils ?

Il n’y a pas de miracle, les gens devront se garer ailleurs. Les gens de l’extérieur sont encouragés à se diriger vers les stationnements incitatifs et utiliser les navettes. Encore mieux, le transport en commun est vivement recommandé pour ceux qui ont l’intention de faire plusieurs dégustations des excellentes bières proposées au festival.

Il faut être réaliste : on ne peut pas conserver l’équivalent de 58 cases de stationnement (plus de 13 000 pieds carrés) pour un événement qui dure quatre jours par an, alors qu’on peut y loger neuf familles.

Est-ce que les rues seront bloquées lorsqu’il y aura des tournages extérieurs ?

Il n’est pas prévu d’effectuer des tournages extérieurs.

Il y a des groupes, comme les Chevaliers de Colomb, qui se rencontrent régulièrement au sous-sol de l’église. Où iront-ils ?

Les promoteurs nous ont assuré qu’ils souhaitent reconduire les ententes avec les groupes qui louent régulièrement le sous-sol. Le plan du projet fourni par la Ville indique que le sous-sol sera occupé par des décors, mais on nous dit qu’il restera suffisamment de place pour ces événements.

Accès au sous-sol de l’église pour les rencontres de groupes communautaires

Ces événements occasionnels sont aussi de nature à rassurer les compagnies d’assurance : en cas de creux occasionnel (quelques semaines sans tournage), le site ne serait pas complètement désert, à tout le moins pas tous les jours.

Le promoteur ajoute d’autres avantages : cela apporte quelques revenus, cela contribue à l’acceptabilité sociale du projet et cela fournit du travail à la personne qui s’occupe de l’entretien.

Qu’en est-il de la clinique Renaissance Santé, qui occupe l’ancien presbytère ? Ses copropriétaires n’ont-elles pas des inquiétudes face à l’arrivée de ce nouveau projet ?

Il est vrai que les copropriétaires avaient des inquiétudes au sujet de ce projet, qui touchaient particulièrement l’accès à leur propre stationnement, accès qui devra dorénavant être partagé avec les occupants du nouveau site.

Clinique Renaissance Santé, dans l’ancien presbytère

Mais après des discussions entre les deux parties, les copropriétaires de la clinique se disent rassurées : une entente a été conclue, par laquelle la clinique bénéficiera d’onze cases de stationnement supplémentaires, alors que le studio de tournage aura huit cases le long de son bâtiment. De plus, l’accès sera aménagé en sens unique (avec stationnement en angle), pour que les clients de la clinique ayant du mal à se déplacer puissent continuer à se garer à proximité immédiate de celle-ci, sans bloquer le passage.

Le document de la Ville parle de « 12 emplois directs et plusieurs emplois indirects; générateurs de consommation dans les commerces du quartier limitrophe » Cela semble exagéré. Qu’en est-il ?

Effectivement, il n’y aura pas 12 emplois directs. Ce serait plutôt 12 emplois directs ou indirects. Mais les promoteurs souhaitent réellement faire appel aux services de Chamblyens pour différentes responsabilités : concierge, nettoyage, coordinatrice, éventuellement le service légal, un fiscaliste et puis, quand les tournages commenceront, un « fixeur » (qu’on peut aussi appeler « facilitateur ») et des besoins occasionnels de « bras », comme on dit en Québécois, pour déplacer, transporter, charger ou décharger différents objets ou éléments de décors utilisés lors des tournages.

Les promoteurs ont-ils de l’expérience dans ce genre de projet ?

C’est la première fois que le groupe d’investisseurs construira des studios de tournage, mais Jean-Martin Bisson est un producteur et concepteur connu dans le monde de la télévision et il a grandi sur la Rive-Sud, ayant passé ses 21 premières années à Longueuil, Saint-Basile-le-Grand puis Sainte-Julie. L’église TSCM sera donc le premier projet du genre pour le groupe, mais ils sont aussi en négociations pour acquérir une autre église inutilisée, celle-ci étant située à Montréal. C’est donc un créneau qu’ils prennent au sérieux.

Un des avantages de l’église à Chambly est qu’elle coûtera forcément moins cher qu’un lieu semblable à Montréal (le mètre carré montréalais ne se négocie pas au même prix que le mètre carré chamblyen), mais elle se trouve à moins de 50 km de Montréal; les producteurs ne devront donc pas payer un per diem et une chambre d’hôtel qui sont requis par les artistes et les techniciens quand les tournages sont plus éloignés. Ce sera donc un site idéal pour les productions à budget modéré.

Les promoteurs ont-ils prévu quels travaux ils comptent effectuer sur l’église ?

Précisons d’abord que les promoteurs n’ont aucune intention de modifier la structure du bâtiment. Ils vont simplement réaménager l’intérieur. Ils ont déjà identifié les points qui requerront leur attention (et des travaux) :

  • Installation de fils chauffants sur le toit pour éviter que la neige tombe sur les véhicules garés le long de l’église, du côté qui donne sur la clinique (l’ancien presbytère);
  • Isolation à faire (les moellons n’ont pas été entretenus depuis un moment);
  • Le clocher a besoin de travaux immédiats pour le sauver, en plus d’un important nettoyage;
  • Une partie importante du toit devra être refaite, pour éviter les infiltrations d’eau;
  • Il faudra aussi s’occuper du chauffage.
  • Dans l’ensemble, le bâtiment est tout de même plutôt en bon état, quoiqu’il coûte évidemment cher à chauffer.

Qu’y aura-t-il d’autres comme dépenses immédiates ?

  • Évidemment la construction des triplex, nécessitant l’enlèvement de l’asphalte du stationnement actuel (remplacé par du gazon, plus la plantation de quelques arbres);
  • Aménagement de la nouvelle configuration du stationnement, y compris le traçage des lignes, dont on nous dit que c’est une opération étonnamment coûteuse.

Que sait-on des triplex qui seront construits ?

Ces triplex ressembleront à ceux qui existent déjà aux alentours de l’église, afin de garder une certaine cohérence avec le voisinage (voir le document de la Ville). Chaque triplex aura six cases de stationnement (donc deux par logement) situées à l’arrière des bâtiments. À noter que les trois triplex auront leur façade sur la rue des Carrières, mais l’accès au stationnement pour le triplex longeant la rue de l’Église se fera par cette rue, alors que les deux autres triplex auront un accès commun au stationnement, accès qui passera entre les deux immeubles.

Extrait de la présentation du projet proposé sur le site de la Ville de Chambly

Le promoteur qui les construira vient de Chambly et a déjà habité, nous dit-on, sur la rue des Carrières. Il connaît donc bien le quartier.

Il ne s’agira pas de logements « de luxe ». Sans nécessairement correspondre à la définition traditionnelle de « logements abordables », ils seront à tout le moins à prix « raisonnables ».

Quels sont les principaux avantages pour la communauté ?

Il y a les avantages tangibles et immédiats : les producteurs feront sûrement régulièrement appel aux services offerts à Chambly, particulièrement les services de traiteurs et les « petits » (ou moyens) achats risquent de se faire prioritairement à Chambly.

Mais le projet permettra surtout de conserver le bâtiment de l’église dans sa forme actuelle, que les plus anciens connaissent depuis 1950 et qui fait donc partie du paysage chamblyen et du patrimoine bâti de la ville. Et il restera 20 cases de stationnement, qu’un autre projet pourrait plutôt éliminer complètement ou réserver à l’usage exclusif des occupants (et/ou de leurs éventuels clients et fournisseurs). Le coût des rénovations n’est pas négligeable et un autre acheteur pourrait vouloir démolir le bâtiment ou à tout le moins le modifier considérablement. Il y aurait sûrement des profits considérables à faire en construisant des logements (et/ou commerces) sur la totalité de la superficie du terrain, alors que ce promoteur souhaite conserver l’immeuble dans son état actuel, en ne sacrifiant rien d’autre qu’une partie du stationnement.

Je voudrais poser une question au promoteur. Comment faire ?

M. Bisson nous a dit qu’il serait heureux de répondre aux questions des citoyens. Inscrivez-les dans la section des commentaires.