
On se rappelle cette partie de la saga Lumicité : après avoir signé les registres pour bloquer le changement de zonage, la plupart des citoyens de la zone contiguë ayant bloqué le projet ont fini par s’entendre avec la Ville, quand, sous la pression du promoteur, celle-ci a finalement accepté leurs trois conditions. (Voir ce texte pour la chronologie complète.)
Ces conditions étaient : le pavage du chemin du Canal, le non-développement d’un petit lot et la possibilité de toujours pouvoir tourner à gauche en sortant du chemin du Canal sur Périgny, ou la possibilité de faire demi-tour à l’intersection de Périgny et du boulevard Industriel, pour aller vers Richelieu (l’alternative étant un détour d’environ 2,2 km). Une quatrième demande, le retrait d’un des cinq immeubles, pour réduire la taille du projet, fut éventuellement abandonnée.
Nouvelle version
Mais à l’assemblée du conseil municipal d’octobre 2022, Alexandra Labbé a affirmé que, le jour où les registres étaient signés (le 15 juin 2022), le conseil municipal était déjà prêt à accepter ces conditions, et plusieurs citoyens auraient même laissé des messages pour la mairesse affirmant qu’ils signaient le registre mais n’étaient pas contre le projet. Ils n’auraient signé que pour s’assurer que l’acceptation des conditions soit officialisée :
« Ben en fait, si vous me permettez de répondre, effectivement, lors de la rencontre qui a eu lieu avec la Ville, ces engagements-là, c’est toutes des engagements que le conseil était déjà prêt à prendre et on avait verbalement communiqué ces engagements-là aux citoyens à ce moment-là. Ils ont malgré tout signé le registre, puis je vous confirme qu’à la signature du registre, il y a plusieurs messages qui avaient été laissés à mon attention. Encore là, toujours verbal, mais pour dire « On signe le registre, mais on n’est pas contre le projet. (…) »
Cette version inédite de l’histoire contredit plusieurs déclarations précédentes de la mairesse elle-même.
Article du Journal de Chambly
Le Journal de Chambly publie le 27 juin (moins de deux semaines après la signature des registres) un article sur le résultat de la signature des registres. On y cite abondamment la mairesse :
« Nous étions convaincus que tous y verraient les bénéfices, dans le contexte de la crise du logement. On a parié, on a perdu. »
Ne s’agit-il pas là d’une bien curieuse déclaration de la part d’une mairesse qui n’avait plus qu’à confirmer, par règlements, que les demandes des citoyens avaient été acceptées ? Rappelons que le nombre requis de signatures (10) a été atteint de justesse, et qu’il suffisait donc qu’un seul de ces dix citoyens accepte le nouveau projet pour que celui-ci puisse aller de l’avant.
Mais la mairesse va beaucoup plus loin dans cette même entrevue, choisissant de dénigrer les citoyens qu’elle devrait plutôt, pourrait-on penser, chercher à convaincre :
« (…) ce qu’ils [les citoyens] amenaient à la table relevait du personnel et du privé. À la suite de la rencontre, notre administration ne pouvait faire aucune recommandation pour des changements réalisables. Le conseil, quant à lui, a à prendre de grandes décisions en pensant aux retombées pour l’ensemble de la population »
L’administration ne pouvait faire aucune recommandation pour des changements réalisables ? Pourtant, comme on l’a vu, la mairesse dira en octobre que non seulement les changements étaient réalisables, mais qu’ils avaient déjà été acceptés par le conseil municipal.
La mairesse n’avait pas fini de se défouler contre les citoyens :
« On a tenu une consultation publique, à laquelle les citoyens ayant aujourd’hui bloqué le projet n’étaient même pas présents. »
Les citoyens n’étaient pas au courant du projet au moment de la consultation publique, car aucun élu ne s’était donné la peine de les en informer. Il n’y avait pourtant que huit logements et un commerce à visiter dans ces deux zones. Rappelons aussi que ladite consultation publique a eu lieu un mercredi après-midi et n’a pas été enregistrée.
La mairesse évoque le désespoir imaginé (ou imaginaire) de Chamblyens qui, selon elle, comptaient sur Lumicité pour se loger :
« Je m’attends à recevoir des appels de citoyens qui craindront de se retrouver à la rue. »
La mairesse n’a apparemment aucun espoir de faire revivre ce projet :
« Le conseil va se retrousser les manches et trouver d’autres endroits pour répondre au besoin de logement. »
Si le conseil va trouver d’autres endroits, c’est donc qu’il abandonne définitivement le projet. Pourquoi ne pas plutôt officialiser les demandes déjà acceptées (selon les déclarations de la mairesse en octobre) et soumettre de nouveau le projet ?
Et ça continue !
Le 16 juillet 2022, le journal La Presse publie un article sur le sujet, mis en une de son édition du samedi. On y trouve une énorme fausseté :
« Le sort du complexe semblait ainsi scellé. Jusqu’à ce qu’un groupe de 10 citoyens d’une zone contiguë demande la signature de registres pour s’opposer à différentes facettes du projet, le mois dernier. »
Le groupe s’était manifesté au bon moment. C’est plutôt la Ville qui devrait être critiquée, pour avoir rejeté la demande d’approbation référendaire, avant finalement de l’accepter trois mois plus tard. Cette information fausse sera corrigée par un citoyen de Chambly, dans une réplique publiée plusieurs mois plus tard. L’information fausse ne semblait pas déranger la mairesse, qui laissera un citoyen la répéter lors d’une période de questions.
La Presse, bis

Le 19 septembre 2023, La Presse, dans une chronique de Nathalie Collard, revient sur le sujet dans la chronique « Le barbecue qui a tout changé. ». On vous épargne les détails, mais l’article laisse entendre encore une fois, et faussement, que les citoyens qui voulaient bloquer le projet s’étaient présentés tardivement. L’article continue :
« (…) le groupe de citoyens impose finalement la tenue d’un référendum et (…), voyant cela, l’administration municipale laisse tomber le projet. »
Donc, le conseil est prêt à accéder à toutes les demandes des citoyens et ces derniers sont prêts à accepter le projet sous ces conditions, mais l’administration laisse tomber le projet ? Y a-t-il quelqu’un à la barre ?
La chroniqueuse demande à la mairesse « pourquoi elle a baissé les bras si rapidement ».
« On s’est dit qu’on n’irait pas en cour contre nos citoyens. Et c’est sans compter le coût d’un référendum. Visiblement, on avait mal expliqué le projet et ses objectifs, il fallait recommencer. »
On ne veut pas avoir l’air d’insister mais… pourquoi aller en cour contre les citoyens, quand il suffit d’officialiser l’acceptation de leurs demandes et soumettre à nouveau le projet ?
Complément d’information
Voici la transcription de l’explication complète de la mairesse, le 4 octobre 2022, sur ce qui se serait passé le jour de la signature des registres.
« Ben en fait, si vous me permettez de répondre, effectivement, lors de la rencontre qui a eu lieu avec la Ville, ces engagements-là, c’est toutes des engagements que le conseil était déjà prêt à prendre et on avait verbalement communiqué ces engagements-là aux citoyens à ce moment-là. Ils ont malgré tout signé le registre, puis je vous confirme qu’à la signature du registre, il y a plusieurs messages qui avaient été laissés à mon attention. Encore là, toujours verbal, mais pour dire « On signe le registre, mais on n’est pas contre le projet. »
« Donc je pense que déjà à ce moment-là, c’était plutôt divisé au niveau de l’opinion. Puis il y a eu d’autres rencontres subséquentes, donc qui nous amené différentes pistes de solutions, puis on a vraiment pu voir, avec les communications, qu’en fait c’était surtout au niveau des engagements de la Ville qui avaient pas été mis par écrit, donc c’était pas des engagements qui étaient pour eux concrets et solides. C’était vraiment ça qui était la source d’inquiétude.
« À partir du moment où on s’engage ce soir, par résolution, donc au-delà des écrits, on est vraiment dans un engagement par résolution. On va reprendre le processus du début, on va avoir encore une consultation publique. Je suis pas en train de vous dire que tout le monde est soudainement rendu de la même opinion. Il y a encore des appréhensions, il y a encore des inquiétudes, mais je pense que les engagements qu’on prend ce soir, ça l’a rassuré suffisamment les citoyens limitrophes pour qu’ils soient en accord avec le projet. Puis, c’est ce qu’on a eu comme discussion, c’est ce que ça reflète dans les discussions. Pour la suite, ben on verra la suite des choses, je suis pas maître de ce qui se passera après la première adoption de ce soir. On va resuivre toutes les mêmes étapes, puis on aura les discussions à avoir. »
Deuxième complément d’information
Voyez les explications de la mairesse le 26 août 2025, quand un citoyen lui demande d’expliquer ces contradictions.
« Ben je me souviens pas des mots exacts que j’ai utilisés. Mais c’était effectivement, sur le moment, dans le cadre légal puis dans les étapes, c’était pas possible de formaliser ce que les citoyens nous demandaient. Puis il y avait une question de timing qui faisait qu’on n’était pas capable de le faire puis d’avoir… En fait, ils auraient voulu qu’on adopte en même temps que le premier projet de règlement des engagements qu’ on n’avait pas adoptés.
« Donc on pouvait pas reculer le temps, c’est pas possible de retourner en arrière dans le temps. Il a fallu faire toute la procédure puis revenir en arrière puis faire les ajustements nécessaires. Je vous dirais que majoritairement, c’était des engagements, il y avait plusieurs engagements qu’on était en mesure de prendre, mais je réitère que beaucoup des demandes qui ont été faites par les citoyens étaient des demandes de nature individuelle, puis celles-là, on n’y a pas répondu. Mais ils ont pas signé le deuxième registre. Alors, rendu là, comment est-ce que c’est possible ? Ça me regarde pas. »
Citoyen : « Mais… »
Alexandra Labbé : « Honnêtement, M. Martel »
Citoyen : « Dans le Journal de Chambly, … »
Alexandra Labbé : « Ça suffit »
Citoyen : « Il me reste une phrase. »
Alexandra Labbé : « Non, non, c’est moi qui préside l’assemblée. Ça va arrêter ici. »
Citoyen : « Vous avez dit « on va se retrousser les manches et trouver d’autres endroits ». Donc vous avez abandonné le projet. À la Presse aussi, le journal La Presse, il y a eu un article « Le barbecue qui a tout changé, vous avez aussi dit que vous aviez abandonné le projet. » »
Alexandra Labbé : « M. Martel, ce dossier-là, il est réglé. Là, je vous ai… J’ai éprouvé énormément de patience, j’ai répondu à vos questions. On va arrêter la discussion ici, s’il-vous-plaît. »
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