Un incinérateur pour animaux n’est pas un commerce traditionnel; ce n’est d’ailleurs même pas un commerce, c’est un procédé industriel. Pour cette raison, le règlement de zonage de la Ville de Chambly ne permet pas qu’il s’installe dans une zone commerciale. Les modifications qui y sont proposées ne profitent pas à la majorité des citoyens de Chambly et devraient être rejetées.

Aucun établissement de ce genre au Québec n’est actuellement établi dans un quartier commercial. Ils sont tous dans des zones industrielles ou (dans quelques cas) rurales (industrielle : Bois-des-Filion, Berthierville, Sherbrooke, Saint-Gabriel-de-Brandon, Vaudreuil-Dorion, Rigaud, Saint-Joseph-du-Lac; rurale : Pintendre, Portneuf, Québec [quartier Val-Bélair]).

Lors de l’assemblée municipale d’août 2020, un seul conseiller était favorable au projet. Comment en sommes-nous arrivés à une situation où, le 1er décembre, une majorité d’élus (cinq contre trois) ont donné leur aval à un changement de zonage permettant à cette entreprise de s’installer à moins de 150 mètres du lieu historique national du Fort-Chambly, dans un quartier où se trouvent un restaurant et d’autres commerces?

À l’heure actuelle, le règlement autorise l’installation de tels incinérateurs dans la zone industrielle. Les zones I-003 et I-004, en particulier, autorisent les usages liés au traitement « des déchets et des matières recyclables ». Faisons à cette entreprise un excellent accueil dans des conditions similaires à celles que les dix autres villes du Québec ont faites à des entreprises de même nature.

Le processus d’incinération d’animaux (tout comme celui de crémation, qui s’applique aux humains) produit neuf ou dix des douze polluants les plus toxiques au monde, dont des oxydes de soufre (responsables des pluies acides), des métaux lourds (plomb, cadmium), des dioxines, des furanes et des benzènes. Il se trouve deux garderies à environ 600 mètres sous les vents dominants. Rappelons que cinq des neuf élus actuels l’ont été sous la bannière du parti « Démocratie Chambly », pour lequel l’environnement était un élément essentiel du programme.

Lors de l’assemblée municipale du 1er décembre, nous avons entendu, de la part des élus ainsi que du directeur général, des arguments pour et contre. Les arguments « contre » ont paru plus convaincants :

Les explications des élus qui ont voté favorablement au changement de zonage sont généralement moins persuasifs :

  • « Le site proposé ne fait pas mon bonheur, c’est le moins pire (…) Si ce règlement-là ne passe pas, Chambly risque d’avoir de grandes conséquences. » Les Chamblyens méritent sûrement mieux que le « moins pire ». La Cour suprême du Canada a déjà établi qu’une municipalité ne peut être tenue responsable si elle a agi de bonne foi ou si l’exercice de son pouvoir réglementaire ne peut être qualifié d’irrationnel. Ne pas accepter un changement de zonage n’est pas irrationnel. D’ailleurs, l’entreprise comprendra sûrement sans mal qu’en termes d’acceptabilité sociale, une installation dans la zone industrielle est la meilleure option pour tous.
  • « C’est vrai que ce n’était pas dans le plan d’urbanisme, mais on ne peut pas tout prévoir. » (Citation résumée.) En fait, le cas était prévu… dans la zone industrielle.
  • Il y a déjà à proximité un salon funéraire « qui a déjà l’usage requis ». Un salon funéraire (par définition destiné aux humains) n’est pas un incinérateur pour animaux, on ne peut donc pas dire qu’il existe dans ce secteur commercial « l’usage requis ».
  • On ne peut pas empêcher un honnête commerçant de s’établir à Chambly. On peut tout à fait empêcher un honnête commerçant de s’établir à Chambly si son commerce ne respecte pas la réglementation. Vous ne verrez, par exemple, jamais une station-service dans la zone P-004 (zone où se trouve la mairie).

Les risques de poursuite ont été suggérés lors de ce conseil municipal, sans être directement mentionnés. Mais lors de l’assemblée d’août, une longue discussion avait eu lieu autour de la définition du mot « crématorium », dont il a depuis été confirmé qu’il ne pouvait s’agir que d’un établissement dédié aux défunts (humains). Si une acceptation préliminaire du projet a été faite sur la foi d’une mauvaise connaissance du sens du mot crématorium, il semblerait que la faute n’en revienne pas à la Ville, mais peut-être au promoteur du projet qui est censé connaître le vocabulaire technique adéquat

Par ailleurs, ce qui n’a pas été évoqué lors de ce conseil municipal, c’est le fait qu’un tel changement de zonage contreviendrait au Schéma directeur d’aménagement de la MRC de la Vallée-du-Richelieu (sections 4.2.1 et 4.3), qui n’autorise qu’un usage industriel léger (donc sans nuisance, et notamment sans bruit ou émanation) le long de la route 112 à Chambly.

Il a aussi été dit que l’usage d’incinérateur n’était qu’un usage secondaire et que la majorité du commerce serait dédié à des services « funéraires pour animaux » (salles de recueillement, etc.) Mais l’article 173 du Règlement de zonage de Chambly n’autorise, pour un usage principal de nature commerciale, que des usages secondaires également de nature commerciale : « Des usages commerciaux supplémentaires à l’usage principal sont autorisés (…) ».

Pour ces raisons, les élus de Chambly devraient prioriser la qualité de vie des citoyens de la ville et rejeter cette proposition de changement de zonage.